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378                          POÉSIE.

      Oh ! comme en ce temps-là, Marthe, on était heureuse !
      Cette bouche si triste, alors était rieuse.
      N'est-ce pas, dites-moi, qu'on est bien dans les champs,
      Loin des bruits de la ville et des propos méchants?
      On marche prestement dans les herbes fauchées,
      On va lier la gerbe et les pailles séchées,
      On saute les ruisseaux, on court en liberté,
      On y fait la vendange et la moisson d'été ;
      Courez, filles, garçons, courez, la grappe est mûre;
      Allons cueillir la pomme , et la poire et la mûre.
      Voyez i le temps est beau,—vite, fourches, râteaux,
      Et la faux et la meule avec tous ses marteaux,
      Les foins, dans la prairie, attendent les faucilles;
      Ah ! c'était le bon temps, pour vous, mes jeunes filles,
      Le pain que l'on mangeait était béni de Dieu ,
      Mais à tous ces bonheurs vous avez dit adieu !

      Souvent dans la forêt, solitaire et profonde,
      Par-delà l'Océan, au sein du Nouveau-Monde,
      Le voyageur, perdu dans les sentiers déserts,-
      Entend un sifflement sinistre dans les airs.
      Il presse avec effroi son pas presque immobile ;
      Il frisonne !... Un spectacle affreux, indélébile,
      Fascine son regard et le glace d'horreur !
      Un monstre menaçant, qui souffle la fureur,
      Enlace autour d'un tronc ses anneaux formidables;
      Il balance au-dessus du chêne et des érables
      Sa tête informe, horrible, effrayante, et se pend,
      Comme une longue chaîne, au tronc.
                                             — C'est le serpent,
      Le boa constrictor, qui guette une victime.
      Il siffle, siffle encor; puis, l'effrayant abîme
      Devient plus solitaire et plus silencieux.
      Bientôt on n'entendra, sous la voûte des cieux,
      Que la trompe des vents sonnant dans les ramures ;
      L'oiseau suspend ses chants et l'onde ses murmures;
      Les animaux surpris s'en vont, épouvantés,
      Chercher un lieu plus sûr, dans les bois écartés ;
      C'est le moment choisi par le monstre.—11 s'efface,
      Il rampe lentement, rampe encore, et se place