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CHRONIQUE LOCALE. — « Ce n'est pas une révolution, Ce n'-est qu'une émeute, » disait un jour un grand personnage du règne de Louis-Philippe , à propos de je ne sais quel événement. Ce n'est poir.t une émeute, accident saris importance et sans portée, mais une belle et bonne révolution ! dirons-nous à notre tour en voyant la lettre de l'Empereur ; c'est une révolution qui va chan- ger, d'une manière incalculable, l'aspect, les moeurs et les habitudes de notre cité. La ville qui étouffait avait jeté, au siècle dernier, un pont sur le Rhône, et quelques habitations s'étaient timidement hasardées dans les marécages des Brotleaux. Un industriel hardi, et malheureux comme tant d'hommes de génie, avait allongé nos rues du côté du midi; mais toujours serrée entre ses fleuves, gênée par des péages, la population di- minuait ses appartements et faisait grimper ses maisons dans le ciel. Tout à coup la digue crève à l'orient ; les péages du Rhône sont supprimés et la foule s'épanche dans la plaine du Dauphiné où s'éparpille une population de cent mille âmes. Cette extension d'un seul côté était un arrêt de mort pour la partie de l'ouest et du nord : mais voilà que là aussi les barrières tombent, les ponts s'affranchissent, les espaces s'ouvrent et Lyon aura les avantages de ses deux beaux fleuves sans les terribles inconvénients qu'ils entraînaient; le prisonnier a brisé sa chaîne, l'oiseau a ouvert sa cage, vite, vite, jouissons de notre liberté. Bâtissons d'élégantes villas sur les pentes du Mont-Sauvage , créons des résidences pour toutes les fortunes sur ces coteaux qui regardent les Alpes ; nous aurons un air pur, une vue magnifique e t , à côté de nous, de vastes promenades et des jardins là où étaient des remparts et des fortifications ; peuplons cette montagne pacifique d'où ont disparu d'amers souvenirs, et si le bruit des métiers est trop discordant pour nos oreilles, voici le che- min de fer de Sathonay à Bourg qui se prépare à transporter les Lyonnais dans les (orèts tranquilles de la Dombes aujourd'hui à quelques minutes des Terreaux. Aimez-vous mieux les escarpements de la Chana, les rochers de Mon- lauban, les coteaux de Gorge-dc-Loup ? Plus rien n'empêche d'y courir, plus de ponts à payer, la route est libre ; mais si vous avez l'intention de vous fixer désormais dans la rue Saint-Jean, dans la rue Lainerie , la rue Juiverie, la rue Gadagne, grâce, Monsieur, pour les chefs-d'œuvre que nous a laissés la Renaissance et les poétiques demeures de nos célèbres banquiers pisans ou florentins ; veuillez bâtir à côté ; crevez les casernes à six ou huit étages dont le besoin ne se fait plus sentir ; mais ne portez pas la pioche dans ces ravissants hôtels que l'imagination des architectes ita- liens avait rêvés, qu'un crayon artiste avait tracés, et qu'un or intelligent avait payés ; laissez debout les comptoirs où veillaient les Çapponi, les Gondi, lesBonvisi, les Médicis ; vos maçons ne sauraient les remplacer. C'est une révolution , avons-nous dit. Jugez-en : l'Empereur veut la suppression du péage sur les ponts de la Saône , modification complète de nos relations avec les quartiers de l'ouest; la démolition des remparts des Tapis, changement radical de nos rapports avec la Croix-Rousse; il veut le dégagement des abords de l'Archevêché, l'établissement de squares à l'extrémité du pont de la Guillotière et sur l'emplacement de l'ancien Grand-Séminaire , objets de luxe pour des quartiers déshérités ; mais la pente est glissante. Un temps d'arrêt avait eu heu et, le mouvement repris, voici qu'on demande l'établissement de vastes égouts à la Guillotière, le prolongement de la me Hippolyte-Flandrin jusqu'à la rue d'Algérie ; le rcculement de la maison en face de l'église de Saint-François, la démolition d'une maison basse rue Saint'Claude, l'établissement d'un egout dans la rue des Capucins, avec changement de pavés ; un hippodrome au Grand-