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                     LA CHASSE AUX LIONS.                   473

    J'avais entendu rugir le lion à Jemmapes, à Guelma, et
 ailleurs, et jamais sans un léger frisson.
    Cette fois, je constate avec orgueil que son cri et son as- -
 pecl me laissèrent parfaitement calme.
    Je ne trouvai pas à cette voix sa sonorité habituelle et sur-
 tout cet éclat puissant, ce timbre cuivré qui fait qu'elle paraît
sortir d'une poitrine de bronze.
    C'est tout naturel, pensai-je , il a le gosier sec ; le siroco
Y-a enroué.
    Le lion descendait au pas vers la fontaine ; il était déme-
surément haut sur jambes. Sa croupe fauve ressortait en
pleine lumière, tandis que la partie antérieure de son corps ,
soit par sa position, soil par sa teinte naturelle se détachait
à peine sur le fond brun des bruyères.
    Les ondulations du terrain le cachaient à mes compagnons ;
parfois môme je le perdais de vue dans les broussailles.
   Enfin, à trente pas au plus, au bord de la mare, et parmi
les roseaux, je distinguai assez nettement sa têle énorme et
son train de devant.
    Il avait le poitrail et l'encolure noire: ces lions-là sont les
plus terribles...
   Ses yeux brillants se fixaient sur le pauvre chevreau qui
bêlait à tue-lête, et s'élançait vers lui, de toute la longueur
de sa corde. — Preuve évidente de la fascination qu'exerce
sur leur proie le regard des grands carnassiers.
   Solidement appuyé, un genou en terre, je visai à l'épaule
qui se présentait à souhait et je fis feu.
   Je m'atiendais à voir le monstre tomber sur moi gueule
béante, griffes étendues. Rien de semblable n'arriva.
   Le bruit d'un galop ciaudicant, puis la chute d'un corps sur
les herbes sèches ; ce fut tout.
   Ma poitrine serrée se dilata avec un indicible sentiment de
bien-être.