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LITTÉRATURE i\{ française est restée en retard, précisément parce que chez nous les efforts sont isolés et que nous n'avons point, comme en Allemagne, de ces écoles où tout le monde , maîtres et disciples, collabore à une même œuvre, se divisant la tâche et mettant en commun les résultats. Mais si nous avons laissé à nos voisins l'honneur de ce travail, il est une tâche maintenant qui nous revient de droit, celle d'apprécier et de contrôler ce qu'ils ont fait. Les Allemands, Messieurs, ont beaucoup de science, mais aussi beaucoup d'imagination. Leur zèle, leur persévé- rance, leur ardeur de recherche sont extrêment louables, extrêmement méritoires, et nous ne sauvions être trop reconnaissants des services qu'ils nous rendent parleurs patients labeurs ; mais ils en compromettent parfois les résultats par des conclusions précipitées et aventureuses. Pour M. Lachmann en particulier, car c'est de lui sur- tout que je vais avoir à vous entretenir, s'il a très-sou- vent raison contre les éditeurs qui ont altéré le texte de Lucrèce, nous verrons aussi que quelquefois il se trompe. On peut en dire autant de la plupart de ses compatriotes. Ils nous apprennent une foule de choses curieuses et instructives, mais leurs jugements ne sont point sans appel. Il arrive parfois que la joie de leurs découvertes les enivre au point de fausser leur vue, des détails insi- gnifiants prennent à ïeurs yeux une importance capitale et deviennent la base ou la clef de voûte de tout un système. De là bien des théories qui ne tiennent pas de- vant l'examen, bien des conclusions qu'il est permis de réformer tout en profitant de ce qu'elles ont de vrai ; et, modestie à part, on peut avoir quelque espérance