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BIBLIOGRAPHIE. CHRONIQUES ET LÉGENPUS DE L'AIN, par Amé de GY. — Paris, Lethielleux-, Tournai, Castermann, 1864, in-16. Un écrivain bressan vient de ftiire une charge à fond de train contre le Moyen-Age, hommes et choses ! D'après lui, les uns sont une collection assez complète de scélérats et de bandits, les autres un ramassis de turpitudes et d'infamies. Pas de crimes qu'on ne puisse reprocher à ces guerriers que nous regardions comme les pères de la patrie, pas de honte qu'on ne puisse leur imputer; l'histoire les avait couronnés d'auréoles, c'est grâce à la poésie et aux chansons des Trouvères qu'on nous les repré- sente avilis et dégradés. Tous y passent ; les paladins du cycle de Charlemagne n'étaient que d'affreux chenapans occupés, tout le long du jour, à battre leurs femmes; ces dames étaient loin de briller par leurs vertus; les forcenés qui allaient en Terre-Sainte, mangeaient volontiers de la chair humaine et lui trouvaient un goût savoureux ; beaucoup d'entre eux préféraient le Sarrasin au meilleur bœuf, Barons et prélats étaient impudiques, voleurs, sans foi ni loi; bref, tout le monde, depuis l'oncle de Roland jusqu'au prisonnier de Charles-Quint, méritait fort justement l'épithète de polisson, qu'on a donné de nos jours à Racine, et, pour qu'on ne se récrie pas trop contre'une pareille assertion, l'auteur s'empresse de nous prévenir que le Tasse, Walter Scott et Chateaubriand, qui ont essayé de nous en faire accroire, au sujet de ces gens-là , étaient des esprits faux et menteurs ne mé- ritant aucune créance et dignes d'être traités avec le même mépris que leurs tristes héros ou, du moins, d'être oubliés avecla même indifférence que la neige de l'an dernier. En suivant notre écrivain à travers les halliers et les marécages où il s'attardait d'ici de là , au lieu de marcher droit à son but, nous nous disions que, sans doute, la plupart des mursébrêchés, contre lesquels il s'escrimait si fort, pourraient bien avoir été non de terribles citadelles, asiles de féroces tyrans, mais d'innocents moulins occupés par la Mère Jeanne et renversés par la dernière crue de la rivière. Cette consolante pensée nous a rassuré, car, si on donne créance à tout ce qui se chante ou qui s'écrit, et si on juge une époque, d'après les ouvrages de quelques plumes libertines, on pourrait aussi avoir, dans quelques cents ans, une singulière idée de nos mœurs actuelles, d'après le joli portrait qu'en ont fait les Mémoires d'une Femme de chambre, que nous ne connaissons pas maisque cite notre compa- triote, Fanny, M m0 Bovary, les Mémoires d'une Biche anglaise, dont nous avons vu les titres à toutes les vitrines des libraires, et surtout les Abîmes de Paris, que publie le Mémorial de la Loire et qui nous donne en ce moment la chair de poule tant on y trouve de trapes, de pièges, de traquenards, de murs qui s'ouvrent, de boiseries qui glissent, de fiacres à double fond, de restaurants où on sert de l'opium, de cafés où on verse à pleines cafetières