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son temps et capable d'enchaîner la volonté des autres à la
sienne, pour seconder le mouvement imprimé par le pape,
et exercer une action souveraine sur les éléments de force
que recelaient les nations qui avaient fait les croisades. Mais
un homme de celte sorte est un présent que le ciel n'accorde
pas à chaque siècle. Cet homme ne se trouva point, et l'im-
mense armée que la voix de Pie II avait, pour ainsi dire,
fait jaillir de terre, ne rencontrant personne pour la diriger,
se dissipa d'elle-môme. Le cardinal de Pavie s'est chargé,
dans les premières pages de ses propres mémoires, de ra-
conter comment finit ce drame unique dans l'histoire d'un
 pape vieux, infirme et malade, se présentant, à défaut de
général, pour ouvrir la campagne contre le plus puissant
guerrier de son époque. La mort vient quelquefois à propos,
 elle arriva pour délivrer Pie II d'une situation où tout pou-
 voir humain l'abandonnait. La narration d'Ammanati, inspi-
 pirée par le cœur et par la grandeur du spectacle, est digne
 de compléter le récit d'JEnéas Sylvius. Il ne lui manque que
la latinité de Tacite pour être un morceau achevé.
   Si l'on veut apprécier à sa valeur le sens historique
d'Mnéas Sylvius, il ne faut pas se contenter de le lire, il faut
le confronter avec quelques-uns de ses contemporains qui
ont écrit l'histoire, et même avec plusieurs de ceux qui sont
venus après lui, par exemple, avec Barlolomeo Facio, Ber-
nard Jusliniani, Antonio Bonfini, Raphaël de Vollerre,
Biondo Flavio, Paul Jove, lui-même. Ceux-ci ne s'élèvent
guère au-dessus de la chronique que par l'enchaînement
matériel des faits, une rédaction plus littéraire et un commen-
cement de critique; leur récit est terne, froid, sans vie et
semblable à ces panoramas où les personnes, comme les
choses, apparaissent immobiles. Chez iEnéas Sylvius, au
contraire, il y a un théâtre dressé, une mise en scène, des
acteurs véritables en chair et en os, qui parlent, marchent, se
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