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de la civilisation antique, devait servir de mère à nos langues
vulgaires, qui sont venues à son école, dépouiller,leur bar-
barie, perfectionner leur génie, puiser des formes élégantes
et polies, prendre du nerf et de la virilité; mais le latin n'en
est pas moins resté au rang des langues mortes; à ses filles,
au contraire, appartiennent les arts, la littérature, la poésie,
les transactions, en un mot l'activité de l'esprit humain.
   Les humanistes du XV e siècle, dans leur enthousiasme
pour la belle langue d'Auguste, ne se doutaient pas de son
inévitable déchéance. Ils voyaient sur le front de Virgile, de
Cicéron, d'Horace et de Tite-Live le sceau de l'immortalité,
et ils s'imaginaient que l'idiome de ces grands écrivains de-
vait être comme eux éternel, qu'il serait toujours la langue
des dieux, tandis que les idiomes de fraîche date ne seraient
jamais que la langue du vulgaire. Naïve était leur erreur !
Quel est le littérateur, depuis longtemps, qui fasse de la prose
latine ou des vers latins? On lit et on lira jusqu'à la fin du
monde les écrivains de la vieille Rome, mais qui lit aujour-
d'hui les princes delà langue latine au XVe siècle, le Pogge,
Léonard Bruni d'Arezzo, Gasparin Barziza, FrançoisFilelfe,
Paul Cortese, Politien, Sadolet, Erasme lui-même? .ZEnéas
Sylvius partage le sort de ces illustres oubliés. N'en doutons
pas, si les commentaires ne sont guère connus que des éru-
dits, ils le doivent à la langue dans laquelle ils ont été écrits.
   C'est grand dommage pour les lecteurs sérieux qui se voient
privés par là d'un des récits les plus sensés et les plus ins-
tructifs qui aient été faits. Comme iEnéas Sylvius avait étudié
les causes des événements, qu'il avait longuement observé et
pratiqué les hommes qui y jouent un rôle, tout ce qu'il en
dit a un caractère particulier d'autorité. On y trouverait un
autre mérite celui de garder une impartialité inaltérable tout
en restant moraliste sévère.
  En général, les historiens honnêtes, qui ont vu de près la