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416                    BABIL LITTÉRAIRE.

de son roman , lui, travaille encore à sa queue ; il peut mo-
difier l'œuvre suivant les jugements qu'on en porte ; l'allonger
si elle plaît, l'abréger si elle fatigue. En conscience voilà bien
des avantages ! Aussi, je ne suis point surpris de ces nou-
velles en cours de publication, — c'est le mot, — qui circu-
lent ainsi d'une manière intermittente, coupées par des récits
de batailles, renvoyées pour d'autres sujets, séparées de leur
début par des assauts meurtriers, des mares de sang et des
piles de cadavres, et dont le dénoûment profite, pour se faire
jour, d'une suspension d'armes ou de la conclusion de la
 paix.
    Mais si la fortune des livres était déjà très-compromise par
 le nombre prodigieux des journaux, que n'a-t-elle pas à re-
 douter de l'énormité de leur format? Que deviennent les vo-
 lumes lilliputiens devant ces immenses palagons de la publi-
 cité, dont un .seul exemplaire absorbe la matière d'un volume,
 et demande une demi-journée pour être parcouru d'un bout
 à l'autre? devant ces carrés de papiers qui couvriraient la
 porte d'une grange ou lé" tapis d'un billard, qu'on ne peut
lire que déployés devant soi et derrière lesquels disparaissent
 leurs abonnés les plus opulents en chair et les plus riches eu
 tailles ? Encore, si chacun de nous ne fixait son attention que
 sur un seul de ces mastodontes d'impression ! mais c'est
 que nous désirons les passer tous en revue, parce que la lec-
 ture de l'un appelle celle des autres auxquels il s'adresse ou
 auxquels il répond.
    Puis, comme si ce n'était point assez du nombre des papiers
 publics pour tuer les livres, voici que la guerre est venue
 ajouter son puissant intérêt à la lecture quotidienne des jour-
 naux. Quels romans pourraient lutter, armés de leurs infor-
 tunes imaginaires, contre les sanglantes réalités des massacres
  guerriers? Les canons et les mortiers qui renversaient les murs
  de Sébaslopol ont aussi battu en brèche la librairie et l'ont