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BABIL LITTÉRAIBE. 415
de la main calleuse d'un ouvrier, ou estampillés des gouttes
de vin tombées de son verre.
La presse périodique nous envahit de toutes paris, au dé-
triment de la librairie qu'elle semble vouloir annuler tout-Ã -
fail, car en nous donnant les nouvelles du jour et son opi-
nion sur les événements, elle y ajoute son jugement sur
les livres récemment publiés, dont elle nous fait connaître
les parties les plus intéressantes par leur analyse , et nous
dispense ainsi de les ouvrir; puis, les livres nouveaux eux-
mêmes défilent par fragments dans les colonnes des gazettes,
et ne reparaissent en volumes que défraîchis par une pre-
mière lecture. Ah ! sans doute , celte intermittente appari-
tion d'un ouvrage découpé en feuilletons, suspendue ou re-
prise suivant l'espace que la politique lui laisse , est insuffi-
sante pour le faire bien apprécier ; mais encore est-ce le seul
moyen qui reste à son auteur pour attirer les regards ; c'est
la fiche de consolation que le journalisme lui jette et qu'il
s'estime fort heureux de faire valoir; c'est la branche sus-
pendue au-dessus du fleuve Lélhô à laquelle il s'accroche et
sans laquelle il,serait noyé.
Mais que dis-je ! le jeune auteur, non-seulement ne craint
pas ce genre de publicité pour ses œuvres, mais encore il
l'aime elle recherche. Oui, cette production, qu'il distille
goutte à goulle au public, qui semble devoir en être mieux
appréciée que s'il la lui livrait tout entière, il lui semble que
les petites rations qu'il lui sert sont en rapport avec le peu
de temps qu'on a pour lire ; que son livre , ainsi déchiqueté,
doit amuser en détail ceux qu'il aurait pu ennuyer en gros ;
que l'attention qu'on lui accorde est mise en appétit par l'en-
vie de connaître la suite et le dénoûment d'une action sa-
vamment tirée en longueur; enfin l'on n'aurait lu qu'une fois
son volume , et l'on est forcé de le reprendre souvent ainsi
morcelé. Puis, quand le public commence à parcourir la tête