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376 CHRONIQUE LOCALE. Ou, en catimini, loin desregards indiscrets, on feuillette un ouvrage qu'on n'ose avouer, on tourne des pages qu'on ne voudrait pas laisser ouvertes sur la table du salon et qu'on lit en souriant jusqu'à la dernière en se rap- pelant ces bons souvenirs d'enfance si ravissants et si doux. On dévore l'élé- gant et charmant volume morceau par morceau, bouchée à bouchée et on le ferme mystérieusement afin de conserver sa réputation d'homme grave et sérieux. Je le crois bien. Qui voudrait avouer qu'on a lu le Théâtre de Guignoll est-ce digne d'un homme posé ? Un moment. D'abord le Théâtre de Guignol est_un livre essentiellement lyonnais, et rien de ce qui est lyonnais ne peut être indifférent aux yeux des gens qui sont nés entre le Rhône et la Saône ; puis la verve comique y est développée à un point que connaissent peu les vaudevillistes du jour, témoin ces délicieuses pièces : Un dentiste, les frères Coq, le marchand de picar- lats, qui nous ont fait tordre de joie dans notre enfance et ne pouvons- nous avouer qu'autrefois nous avons ri de Guignol et de ses compagnons? Puis les notes sont d'un imminent magistrat" qui n'a point cru déroger en suivant l'exemple de Montesquieu ; puis l'impression est d'un artiste qui a illustré tout ce qui est sorti de ses ateliers. On peut lire un livre, on peut le mettre sur les rayons les plus apparents d'une bibliothèque quand il est signe : Louis Pcrrin. Ce nom, cette signature, nous rappellent la perte que la typographie, les arts, la ville ont faite ces jours derniers par la mort du célèbre imprimeur que Paris nous enviait. Ce n'est pas dans les quelques lignes d'une chro- nique locale que la Revue peut rendre un digne hommage à sa mémoire. Notre prochaine livraison donnera le discours prononcé par le secrétaire de l'Académie sur la tombe de notre confrère. Ce discours est le résumé d'une vie laborieuse et remplie, le récit d'une existence consacrée à rele- ver notre profession jusqu'à la plus haute dignité de l'art. Nous reviendrons également sur la mort de M. Scbelon, artiste de mérite dont les beaux portraits de Bonnefond et de Vibert avaient été remarqués à notre dernier salon. — M. Miciol, graveur, grand prix de Rome, vient de publier quatre bonnes gravures d'après les dessins de MSI. Bossan et Ginicz ; elles repré- sentent les bas reliefs du jardin de Fourvières dus au ciseau de M. Fabisch. — C'est au ciseau de ce même sculpteur que l'on doit le groupe colossal placé ces jours-ci au devant du pavillon central du grand séminaire. Le sujet, digne de la suave imagination de l'artiste, est le Couronnement de la Sainte-Vierge par son Fils. Ecrivains, peintres, graveurs, architectes, sculpteurs, tout le monde tra- vaille, tout le monde produit, et nos neveux avoueront que le moment pré- sent n'a pas été sans gloire pour notre ville. La Nature aussi travaille. Tout pousse, tout renaît. Dernières nouvelles : Voici Pâques, il fait beau, et l'on part. A. V. AIMÉ VINGTRINIER, directeur-gérant.