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POÉSIE. LES VICTIMES. FRAGMENTS. Voici la chambre étroite où Marthe se repose, La nuit, rien que la nuit, dans une alcôve close, Du long travail du jour, du dur travail sans fin Qui peut suffire à peine à conjurer la faim. Car avec trente sous qu'elle gagne à l'aiguille, Comment, sans bien compter, Marthe, la pauvre fille, Régulière en tout point, pourrait-elle payer La bougie et le feu, le pain et le loyer ! Aussi, voyez un peu quel triste sanctuaire ! Par tous les trous ouverts suinte la misère : Un petit lit de fer, presque sans traversin, Reçoit son corps brisé, dans un endroit malsain, Il fait trop chaud, l'été, puis, quand vient la froidure, Elle reste souvent des nuits sans couverture ; Une table boiteuse, un banc, un chandelier, Puis, un vase de fleurs.... voilà son mobilier. Dans ce'pauvre réduit et du monde éloignée, Elle est seule toujours et pourtant résignée. Elle eût pu, comme une autre, échanger à prix d'or, Contre un baiser impur, sa lèvre vierge encor ; Mais non, elle va seule où. s'en vont ses pensées, Par l'ange gardien innocemment bercées ! Au toit qui la vit naître et qui la vit partir, Où, songeuse et rêveuse, elle voudrait mourir. Son cœur, ému, revoit, en un temps plus prospère, Le champ laborieux que travaillait son père, Le pré semé de fleurs où, joyeuse, elle allait Paître la vache blanche et la gonfler de lait. Elle regarde aussi le nid, sous lasaulée Pleurant dans le départ de la mère envolée, Et bien qu'elle n'ait plus son corsage de lin, Son cœur palpite encor pour le nid orphelin ! 24 *