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          LES DONS D'AUTEURS
                   ESQUISSES GENEVOISES ( 1 ) .




   Il entre presque toujours, dans nos commisérations les
plus sincères pour les malheurs d'autrui, quelque chose
qui nous est personnel ; ainsi les douleurs que nous
plaignons le plus sont celles que nous avons ressenties
ou dont nous sommes menacés, et dans notre pitié pour
les infortunes qui nous sont complètement étrangères, le
sentiment que nous pourrions les éprouver un jour s'allie
et ajoute peut-être à la vive sympathie que nous avons
pour elles.
   Telles étaient les réflexions que, l'autre jour, je faisais
en contemplant, dans ma bibliothèque, l'espace que j'y ai
consacré à recevoir les divers ouvrages qui me sont envoyés
en cadeau par leurs auteurs. La plupart sont brochés, il en
est peu auxquels j'accorde les honneurs de la reliure, il en
est plusieurs dont le couteau d'ivoire n'a point séparé les
pages, et qui sont vierges de tout attouchement.
   — Et cependant, combien d'aimables illusions d'amour-
propre berçaient ceux qui m'en firent l'envoi ! Beaucoup ne
doutaient presque pas de leur célébrité future ; quelques-
uns rêvaient un chapelet d'éditions successives ; d'autres
voyaient en perspective le prix Monthyon ou quelques
autres récompenses nationales qui descendaient sur leur
front olympien couvert de lauriers ! Tous durent croire
que le fruit de leurs veilles serait au moins apprécié par
ceux à qui (comme à moi) ils en faisaient l'offrande géné-

  (1) Nos lecteurs voudront bien observer que la scène se passe à
Genève; rien de pareil n'a lieu à Lyon.               A. V.