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2b0                  LES DONS D'AUTEURS.

reuse. Quelles douces espérances ne se créaient-ils point
que l'avenir a impitoyablement détruites ! — A quelles
amères déceptions ont abouti de si chères perspectives !
   Et pourtant, n'est-ce point ma fidèle histoire que j'ai
tracée en racontant la leur? Les enfants de ma muse ne
gissent-ils point ainsi abandonnés et brochés dans les bas-
fonds des bibliothèques de ceux à qui j'en fis présent, —
et n'est-ce pas aussi sur leur propre misère que je gémis,
en plaignant cet amas de productions diverses, si impitoya-
blement couvertes chez moi de silence, d'oubli et de
poussière?
   Mais aussi, d'où vient cette coutume si généreusement
bizarre, qui fait tant de victimes ?
   Pourquoi les. auteurs seuls donnent-ils pour rien le
travail de leur esprit, quand chaque artisan se fait payer
celui de ses mains? La pensée vaut-elle moins que la
matière pour en faire si bon marché? Les auteurs, à Ge-
nève, sont-ils assurés d'assez grands bénéfices pour se
montrer aussi prodigues?
   — Examinons les funestes conséquences qui résultent
pour eux de cette folle politesse.
   Et d'abord, quelles sont les trois catégories de personnes
auxquelles ils se croient obligés de donner leurs oeuvres?
   1° Leurs parents ;
   2° Leurs amis;
   3° Les personnes qui s'occupent de la branche des con-
naissances humaines à laquelle ils se sont eux-mêmes
voués.
   Bon ! Pour peu qu'ils mettent de luxe à satisfaire ces trois
ridicules exigences, en conscience je ne vois pas ce que
peut avoir à démêler avec les acheteurs le petit solde de
 leur édition, — si elle n'a pas été totalement épuisée par
 leurs largesses. En effet, ils ont désintéressé à l'achat de
 leurs œuvres tous ceux qui auraient pu vouloir se les pro-
 curer ; — et les exemplaires qui restent se trouvent en face
 de gens qui doivent y être parfaitement indifférents. — Que