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                       LITTÉRATURE.                     113

à ce naufrage, nous sont-ils parvenus exactement tels que
les avait enfantés lapensée créatrice? On n'ose le croire,
Messieurs, en songeant au grand nombre de mains di-
verses par lesquelles ils ont dû passer pour arriver jus-
qu'à nous, au grand nombre de copistes qui les ont repro-
duits, et dont plusieurs sans doute, soit par ignorance ,
soit par distraction, soit pour faire preuve de bel esprit,
ont plus ou moins modifié et altéré les copies antérieures.
Le plus ancien des manuscrits que nous possédions de Lu-
crèce, celui qu'on désigne, à cause de sa forme, sous le nom
tVOMongus, et qui est un des joyaux de la bibliothèque
de Leyde, ne peut guère être reporté au-delà du IXe siè-
cle. Il y avait près de mille ans que le poème existait;
et pendant ces mille ans, qui peut dire combien il y avait
eu d'intermédiaires entre ce parchemin et le rouleau où
la main du poète déposa ses inspirations ? Je faisais na-
guères ces réflexions, Messieurs, en feuilletant avec res-
pect ces pages jaunies par tant de siècles. Mais je me ras-
surais en répétant ces beaux vers que je déchiffrais par
la mémoire bien plus que par les yeux. Quelles qu'aient
pu être les altérations de détail, ce n'en est pas moins là
l'œuvre du grand poète. En tout cas, nous nous en
rapprochons aussi près que cela est possible par la com-
paraison des plus anciennes copies. En constatant où
elles varient, nous limitons les parties suspectes, et en
faisant la part du doute, nous mettons désormais à l'abri
 de ses attaques le domaine de l'admiration.
    Il est facile de comprendre, Messieurs, que ce travail
 de notre siècle, ces recherches savantes, ces découvertes
 inattendues donnent aux études dont j'ai à vous entrete-
 nir un intérêt tout nouveau. Mais d'autres raisons encore.
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