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458 GRAVURES DE LA BIBLIOTHÈQUE COSTE. habitée par des bourgeois indisciplinés et turbulents, impri- meurs, libraires, drapiers, orfèvres, offre presque seule une ligne de maisons se suivant sans discontinuité; c'est là que couve le levain de la révolte, c'est de là que partent les émeutes qui troublent la cité. Le pont sur la Saône est fortifié, l'église de Saint-Nizier est perdue dans un dédale de petites ruettes en- chevêtrées; la Grande rue de la Guillotière, à peu près à l'abri des crues du Rhône, s'allonge à perte de vue dans la plaine, sans permettre aux maisons capricieuses de s'écarter de la ligne principale ; on comprend qu'il serait dangereux d'asseoir des fondations loin de la chaussée soigneusement élevée pour la com- modité des muletiers et des rouliers. Le Rhône et la Saône s'unis- sentun peu au-dessous des murailles de Saint-Georges; les prairies de Bellecour, but champêtre de promenade et très-fréquentées le dimanche, sont assez mal renommées le soir. Les Terreaux sont l'asile d'une population amie du bruit et du tapage; les ca- barets hantés par des voituriers, maçons, serruriers, charpentiers et autres corps d'états, sont le théâtre de rixes fréquentes. Deux siècles à peine nous séparent de cette époque et en contemplant cette feuille nul ne reconnaît notre Lyon élégant et civilisé. Un petit in-18 plus romantique ou plus audacieux que ses voisins, place le confluent du Rhône et de la Saône entre Pierre- Scize et le fort Saint-Jean; on pourrait douter qu'on a sous les yeux une vue de Lyon, si le nom de nos rivières ne se lisait en toutes lettres au milieu de leurs flots et si eelui de la ville n'était triomphalement écrit lui-même sur une banderole qui s'envole dans les airs. Un in fol, oblong, étroit, par une hardiesse inouïe, hérisse les environs de la Guillotière de hautes montagnes; une autre vue, prise de la Duchère, nous montre la Saône baignant les murs de Pierre-Scize et portant au milieu de ses ondes cette inscription hasardée : le Rhône; bientôt, cependant, les vues deviennent plus exactes et plus vraies ; le dessin est plus ferme, on sent que l'art grandit. Israël Sylvestre donne ses planches fines, gracieuses et poétiquement dessinées et de longtemps son talent d'observateur, de penseur et de graveur ne sera égalé.