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PHOTOGRAPHIE GENEVOISE. LE SANS-GÊNE. De mon temps ! voilà l'cxorde obligé de toute critique des vieillards touchant les m œ u r s ; il semble, à les enten- dre, que le monde dégénère sans cesse, et, depuis le temps immémorial qu'ils formulent ces reproches, s'ils étaient fondés, l'espèce humaine aurait mérité vingt fois au moins d'être submergée par un nouveau déluge. Mais les choses chan- gent moins que notre manière de les voir, et cette habitude cha- grine des personnes âgées de dénigrer la génération qui les suit en la comparant à la leur, résulte plutôt de leurs sens qui s'émoussent, de leur santé qui s'en va, de leur caractère qui s'ai- grit, de leur indulgence qui les quitte, et d'une espèce de ja- lousie qu'elles éprouvent à voir d'autres modes de vivre supplanter ceux qui entourèrent leur jeunesse et auxquels leurs souvenirs les rattachent. La nature môme perd de ses charmes pour les vieillards ; l'habitude d'en jouir les leur a rendus moins vifs, tandis qu'au contraire ils deviennent plus sensibles aux intempéries des sai- sons, aux brusques changements atmosphériques, à ce point que le soleil leur paraît moins brillant, moins chaud, les hivers plus âpres, et que l'influence subie par leur santé de ces diverses oscillations de la température, détermine leurs jugements sur un climat toujours le même et dans lequel eux seuls ont varié.