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208 BABIL CALLIGRAPHIQUE. mesure ; mais ses lettres se sont amoindries sous ce rapport, en raison de l'augmentation de sa renommée, et en 1841, un mois après sa réception à l'Académie française, il n'en mettait plus que 33 ; d'abord parce que son papier s'était fort restreint, puis parce que son écriture penchée, allongée, lâclie, semble un cheval galoppant à fond de train; aussi sa plume, courant à bride abattue, annonce-t-elle moins son génie maintenant, que la haute position qu'il s'est acquise et l'importance qu'elle lui a donné. Casimir Delavigne, au contraire, avait une écriture sage, pro- prette, bien rangée ; ses mots sont complets, détachés ; la pu- reté de sa plume annonce celle de sa muse ; la raison tem- père la verve de celle-ci et la fougue de celle-là ; il pensait qu'on peut être grand poète et lisible en même temps, et qu'il n'est pas absolument impossible d'avoir un beau génie et une belle main tout à la fois. Moins le talent est tranché, moins il a de fougue, moins il impressionne l'âme, et plus l'écriture doit di- rectement émaner de l'enseignement du maître de calligra- phie , moins aussi elle doit subir les altérations que des pas- sions impétueuses, des pensées ardentes ne manqueraient point de lui imprimer. M. Ancelot en est une preuve évidente ; il est le secrétaire de sa raison, et son écriture fort jolie, fort calme, très-lisible, at- teste la sagesse flegmatique de son esprit; sa plume obéit à la dictée de son bon sens, lequel, après avoir pesé tous les mots, laisse à sa main le temps de les transcrire correctement sans nuire en rien, lorsqu'elle trace des lettres, à la finesse des liaisons et au moelleux des pleins. 11 y a pourtant entre Casimir Delavigne et lui cette différence que le premier, beaucoup moins esclave des règles de la calli- graphie, revêt quelques-unes de ses lettres de formes pitto- resques originales, qui ne sont point sans grâces ; sa plume, comme son talent, innove avec bonheur, et la figure qu'il donne à ses M majuscules et à ses V est comme un représen- tatif de ses sages concessions aux modernes systèmes littéraires. J'ai dû examiner d'abord l'écriture de cinq académiciens, de