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36G PATOIS BRESSAN ET BUGISTE. C'est avec un chagrin très-senti que l'observateur ami de son pays doit envisager ces modifications fâcheuses ; mais la voie est rapide et chacun veut arriver: on déserte un sillon bienfaiteur, on encombre les villes et les fabriques, la cu'ture semble n'être plus faite pour une foule de bras ; l'ambition l'emporte, et dans ces déplorables tendances, plus fortes chaque jour, que de bonheur domestique et natal fait nau- frage! Un cultivateur bressan pourrait se dire, en se voilant la face avec ce vieux tablier de peau qu'où ne voit presque plus: Tôt monde vourindra, vé nous gnion ne demeure ; La meuda que fond tout, an in fourre bèlô, I se faut bin tcgni pre garda sa demeure, Me n'arma, zeu vao dere a pi fremou crié'.... Tout s'enfuit à présent, chez nous rien ne demeure; La mode envahit tout, on eu pourrait pleurer... II faut se bien tenir pour garder sa demeure ; Ma foi, je veux le dire et bien fort le crier !... En Bresse, depuis longtemps l'idiome natif tend à dispa- raître ; il en est de môme en Bugey. Le vieux séquanais se réfugie dans quelques hameaux isolés, loin du contact des choses et des hommes; les grands-pères le parlent encore, mais les petits-fils l'ont dénaturé. En Bugey comme en Bresse, on parle presque aulantle français que le patois, et ce dernier, qui d'ordinaire cepen- dant domine encore, est envahi par une foule de locutions françaises tournées en patois, et qui témoignent m\e fois de plus delà transformation douloureuse de l'idiome antique et local (1). /l) Il en est de même de l'élégant et riche costume bressan, défiguré le plus souvent aujourd'hui par la taille longue et la crinoline des grisetles. A. V.