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288 SUR UN TABLEAU ATTRIBUÉ Certes on conviendra que rien de ce que nous venons de dire ne saurait trouver son application au tableau du musée de Lyon. Ne parlons pas du sentiment qui manifestement n'a rien de la grâce mélancolique d'André del Sarte. On répondra si l'on veut que le sujet ne le comportait pas. Parlons seule- ment de la composition et de l'exécution. Sa composition est franche et simple, mais évidemment toute entière destinée à faire valoir une académie, l'Isaac sur le bûcher. Nous avons devant nous un grand dessinateur, peu soucieux non seulement de la grâce du style, mais encore de l'expression en elle-même; sans doute, i! est Toscan ou Ro- main, car tout le raltache'aux traditions des écoles exclusive- ment occupées du dessin, mais il y a entre lui et André dcl Sarte un abîme ; il en est séparé de toute la différence des bords placides et arrondis de l'Arno, aux collines austères sur lesquelles Sienne est assise. On voit de suite l'homme qui dessine avant dépeindre, qui recherche les inflexions puis- santes, les torsions des hanches; un homme qui aime la grande tournure, la musculalure accusée, enfin un héritier de Michel-Ange, bien plus que du divin Sanzio. Aces préoc- cupations, il sacrifie tout : goût, charme d'exécution, mor- bidesse du modelé, et surtout l'expression dont il n'a cure. L'enfant est agenouillé à moitié sur l'autel, dans une belle altitude ; c'est un adolescent élégant et svelle; les muscles sont indiqués avec énergie et précision ; le modelé est vigoureux, mais presque dur, un peu cerné. La partie du torse dans l'om- bre est surtout peinte sans souci des procédés, d'une facture raboteuse, assez malpropre, barbouillée, moitié par plaques, moitié par frottis, à l'enconlre d'André del Sarte, qui a tou- jours peint avec une facture régulière et habile. On dirait même que le peintre du tableau de Lyon a éprouvé quelque incertilude dans le procédé, comme pourrait le faire quel- qu'un accoutumé le plus souvent à l'emploi de la fresque.