page suivante »
A ANDIiÉ DEL SARTE. 289 Le torse s'enlève un peu sèchement; évidemment André del Sarte eût éleint ces reflets, eût fait tourner un peu plus les bords par l'ombre. Ce n'est surtout pas lui qui eût laissé au visage de l'enfant une air d'indifférence complète. La (été de l'Abraham n'est pas plus expressive. Nous avons à propos de ce tableau entendu un savant professeur d'analomie faire la remarque que le peintre avait poussé la science jusqu'à in- diquer avec sûreté la contraction qui s'opère dans certain mus- cle de l'abdomen, sous l'impression d'un sentiment de ter- reur. Nous ne sommes pas assez anatomiste pour prononcer sur le fait, mais ce qui est certain, c'est que le peintre qui a su si bien imprimer la terreur dans les muscles de l'abdomen, l'a complètement oubliée dans les traits de la physionomie. Somme toute, celte figure n'en est pas moins très-belle; elle a une aisance magistrale, une tournure sculpturale qui décèle de fortes études et révèle autant le statuaire que le peintre. C'est en effet une étude toute prête pour un sculp- teur. Or, il n'en est pas ainsi des personnages d'André del Sarte, qui ne sauraient se prêter à ces combinaisons et ren- trent toujours dans les conditions plus spéciales à la pein- ture. L'Abraham est beaucoup moins heureusement imaginé et ce qui rend absolument impossible la pensée qu'il ait pu sortir jamais du pinceau d'André del Sarte, c'est le manque de goût manifeste dans l'arrangement. Il y a quelque chose de maladroit dans le geste et surtout dans le costume, qui eût révolté le peintre élégant et pur de la Madona del Sacco. Le manteau est grotesquement croisé sur la poitrine, en manière de fichu; le corps ne se dessine pas sous les draperies; un je ne sais quoi trahit le mannequin. La tôle seule est d'un beau stylo. L'ange est aussi admirablement dessiné et modelé, mais sans onction, sans charme. Un peintre de talent inégal, abrupte, ayant plus de jet et d'inspiration prime