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210                    BABIL CALLIGRAPHIQUE.
 ture de l'auteur des Guêpes surtout, par une excentricité difficile
à expliquer, tombe du haut en bas aux pieds du lecteur : on dirait
un auteur qui se jette par la fenêtre, la tête la première ; heu-
reusement pour son talent qu'il ne décline pas de la même
manière.
   Je pourrais ajouter encore beaucoup d'observations sur l'écri-
ture d'auteurs étrangers, mais il nie tarde d'arriver à celle de
compatriotes éminents dont la Suisse s'honore, et qui lui sont
chers à plus d'un titre.
   Cet liomnie illustre, également remarquable par sa foi et par
son génie, théologien par sa belle âme et littérateur par la pu-
reté de son goût, et l'étendue de son esprit, M. A. Vinet, le plus
chrétien des critiques du siècle, avait une petite écriture fine,
lucide, charmante et d'une égalité vraiment surprenante ; c'est à
ce point que sur huit lettres que j'ai reçues de cet homme célè-
bre, qui m'honorait de son intérêt, de ses conseils et de sa bien-
veillance, il n'est aucune ligne prise au hasard qui ne soit sem-
blable à toutes les autres •. janïais la fin de ses missives ne diffère
de leur commencement, jamais les traits ne changent de carac-
tère , les lettres de penle, les mêmes mots sont de véritables
frères jumeaux qu'on ne saurait distinguer tant ils se ressem-
blent; jamais plus ou moins de précipitation dans la'main ne
dénature la forme de son inaltérable écriture. Qui pourrait ne
pas reconnaître à ce signe visible de sa pensée la paix de celle-
ci, le calme de cette âme élevée au-dessus des agitations de la
vie, cette impassibilité du chrétien que rien n'émeut, au milieu
des partis et des déchirements de la société qui l'entoure ? Puis
cette résignation qui s'efface dans l'ombre, ce beau génie voilé
par la retraite et qui refuse de se mettre mieux en vue ne se pei-
gnent-ils point aussi dans l'humble exguité de cette écriture tra-
çant de si grandes choses, annonçant de si éclatantes vérités ?
   Mais la sérénité de cette âme qui ne s'exaltait que devant les
hautes et sublimes beautés de l'Évangile, n'a-t-elle point été la
cause fort honorable du sang-froid peut-être un peu extrême
avec lequel, comme critique, M. Vinet a parfois jugé les œuvres
littéraires ? — Je le croirais.