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                           I.E SANS-GÊNE.                         S5

  considération pour les privilèges du savoir, de l'expérience, de
 l'habileté, de l'âge, etc., etc.
    De cette superbe opinion d'eux-mêmes au sans-gêne, il n'y a
 pas loin, et je conçois qu'ils y arrivent très-facilement et très-
 vite : de là cette assurance qu'ils portent dans le monde, bien
  convaincus qu'un homme en toutes choses en vaut toujours un
 autre. Ils ne comprennent point pourquoi ils devraient céder en
 rien à qui que ce soit, De là aussi ces pères qui ne peuvent pré-
 tendre qu'à être les amis de leurs enfants, et qui renoncent à
 l'autorité qu'ils devraient exercer sur eux, très-convaincus qu'ils
 sont de l'impossibilité où ils seraient de la maintenir ; de là ces
 réunions de famille où, le verbe haut, des jeunes gens préten-
 dent imposer leurs opinions à leurs grands parents, plutôt que
 de les recevoir d'eux, et où les rôles sont complètement inter-
 vertis; de là cette parfaite égalité nivelant les conditions, le
 mérite, les âges, et qui serait compromise par les égards ser-
 vilement accordés à la vieillesse et aux talents ; de là enfin cette
 contenance que des adolescents imberbes prennent dans le salon
où ils se trouvent, et où ils adoptent la posture qui convient à
leur nonchalance, sans se soucier si elle blesse la décence et le
respect dus aux assistants, dont aucun n'est leur supérieur.
    En peinture, le sans-gêne a produit le réalisme : il consiste à
représenter fidèlement la nature, si dégoûtante et si repoussante
qu'elle puisse être; les nudités flétries de la vieillesse, la mai-
greur maladive, les scènes de l'existence les plus ignobles son!
devenues des sources nouvelles où le pinceau des réalistes a
puisé des sujets de tableaux dont l'horrible laideur, énergique-
ment rendue, doit faire, suivant eux, l'incontestable mérite. I.a
palette de nos peintres s'est émancipée pour arriver aussi à ce
sans-gêne dans lequel le génie se développe sans être entravé
par les pitoyables exigences du bon goût et la pruderie des
délicats.
    Dans les lettres, nous avons maintenant la nouvelle où res-
plendissent les mœurs les plus corrompues , où se trouvent
des scènes de débauche audacieusement étalées dans leur impu-
dente nudité ; puis chacun trouvant dans le récit de ses petites