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38 DU SURNATUREL les lieux aient leur génie ? Eh bien ! ce génie là serait le nôtre. Et moi-même que fais-je, quand j'insiste tant sur ce sujet, quand je recueille ainsi les souvenirs de notre chère cité et que j'y mêle quelque ferveur filiale, que de céder a ce doux mysticisme de la patrie, le plus grand et le plus beau dont l'âme puisse se passionner après celui du ciel. Ah! certes,-nous ne confondons pas le bon et le mauvais mysticisme. Il y a dans l'homme ce que la physiologie, la psychologie, la morale, la religion, ce que d'une commune voix, clans les langues anciennes, comme dans les langues modernes, par le plus antique, le plus usité, le plus familier et le plus clair de tous les mots, le plus intraduisible, celui qui a !e moins besoin d'être expliqué pour le philosophe aussi bien que pour l'enfant, tout le monde appelle le cÅ“ur, et ce cÅ“ur si aisément compris est pourtant un abîme. Ce qu'il a d'obscur est en même temps ce qu'il a de vrai et de fort. Augustin Thierry, que sa cécité a fait nommer l'Homère de l'histoire, -disait d'une manière touchante : « J'ai contracté amitié avec les ténèbres. » Voila ce qu'il faut dire aussi des saintes obscurités a travers lesquelles Dieu se communique à nous et auxquelles les sentiments de notre cÅ“ur répondent. Contractons amitié avec elles, si ce sont elles qui nous donnent la conscience et ses joies, la foi et ses ardeurs, la famille et ses affections, le sol natal et ses instincts, la patrie et ses dévouements, la gloire et son rêve, l'art et son idéal, les cieux et leur mystère,c'est a dire tout ce qui ne se définit point et ne peut que se sentir. Un pareil mysticisme est nécessaire pour combattre le prosaïsme vulgaire et les hon- teux abandons de la vie. Approchez de vos lèvres avec précaution la coupe écumante, soit! et ne craignez pas d'en goûter le breuvage sacré, pourvu qu'a trop longs traits vous n'y puisiez point l'ivresse. Autant il faut condamner ce caprice puéril et insensé du surnaturel qui cherche ça et lÃ