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ET DU MYSTICISME. 39
les petites fuites par lesquelles nous pourrions échapper
aux lois physiques de ce monde, autant, avec les juges les
plus prudents et les plus difficiles, j'imagine, on pourra
approuver que Mme de Staël ait accordé à ceux qui sont
mystiques dans une certaine mesure le titre de « vrais sei-
gneurs de la nature humaine (1). »
Si vous allez à la ville éternelle , vous avez a traverser
cette campagne de Rome qui a été tant de fois décrite et qui
est une vaste steppe, d'une herbe jaune et flétrie, de routes
mal tracées, de sillons par où passèrent des armées conqué-
rantes du monde ou des torrents aujourd'hui desséchés;
telle qu'elle est, grisâtre, inféconde, triste, béante a la so-
litude, la Maremme offre pourtant une impressionnante
grandeur. Dans le fond se trouve Rome, Rome où la terre a
sa capitale, Rome resplendissante des traditions de la puis-
sance, de l'art et du culte, Rome que Byron appelait dans
ses vers « la cité de l'âme » et à laquelle mon illustre con-
frère et ami, celui qui fut et qui restera toujours mon maître,
Paul Sauzet, vient de consacrer un livre éloquent, éploré,
digne d'elle et de lui. Vers cette Rome, le voyageur che-
mine, attiré par la magie du plus imposant lointain et le cœur
fasciné de désir et d'impatience. Mais dans la Maremme je
ne sais quelle lourde atmosphère pèse sur vous, des lan-
gueurs vous prennent, et on vous prévient que si vous aviez
l'imprudence de vous abandonner au sommeil, vous seriez
gagné d'une fièvre dangereuse et peut-être mortelle. Voulez-
vous traverser la Maremme sain et dispos et parvenir avec
sécurité au but de votre noble pèlerinage? Soyez alerte, ne
laissez point les abattements vous surprendre, surmontez la
tentation perfide du repos, exercez vos forces, tenez haut
et en éveil l'esprit. Voila comment la funeste maladie sera
(1) Mme de Staël : De l'Allemagne, 4 m e part., chap. 7, p. 588.