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12                DE LA DOULEUR DANS LE TEMPS.
Comme ce coursier impétueux et sans frein a été ramené par
la peine et la privation sous la main qui doit le conduire.
Approchez seulement de l'âme altière que la douleur vient
d'atteindre. Dans sa gloire, elle n'écoulait personne et mé-
prisait tous les secours (1) ; mais à cette heure sacrée elle
entendra tout, vous accueillera avec reconnaissance et se
soumettra avec charme et résignation. Jugez combien d'humi-
lité est née de la douleur...
   Approchez également du cœur insensible que la douleur
vient de briser. Dans son orgueil, il ne vivait que de lui
seul et repoussait la sympathie. Mais à l'heure de la douleur,
ce cœur si intraitable n'a plus rien de dur ; il ne veut plus
du mal, il vous appelle, prononce le mot de consolation, se
donne à vous et demande avec effusion que vous l'aimiez
un peu. Jugez combien d'amour est né de la douleur...
   Or, l'humilité et l'amour étant le contraire exact de l'or-
gueil, l'orgueil est ainsi étouffé par la douleur.


   L'être s'était en quelque sorte noué par l'orgueil ; une
force devra le briser en éclat avant qu'il se reconstitue : c'est
la mort. Car sans l'orgueil, la mort, cette stase dans l'être,
n'eut point existé. Comment croire que la mort soit une
chose naturelle, la nature a-t—elle horreur de ce qui lui est
conforme ! La mort n'appartient pas à l'être, mais, fut en-
voyée par la vie pure contre l'ennemi de l'être.
   Née de l'infortune du relatif, et annoncée dans la pro-
messe paradisiaque, la mort vient sur les pas de la liberté
pour dévorer par derrière les fruits de sa réprobation.Tout
être , au reste, ne peut prendre sa forme définitive sans une


   (i) « On ne dresse pas un cheval dans sa force , dit l'Ecriture, et le potier
ne remanie pas la terre ensuite. «