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344 PIERRE ESKRICH Genève au moins de 1478 à 1480. L'imprimerie est, on le voit, une des plus anciennes industries de cette ville. Elle doit à la Réforme une activité passionnée et son rapide développement. « Genève a été l'arsenal, a dit M. Alfred Cartier, où, près de deux siècles durant, l'Europe protestante est venue puiser à pleines mains les idées et les livres pour soutenir le combat contre le catholicisme et la papauté (1). » L'habileté et la science de quelques impri- meurs, surtout des Estienne, venus de Paris en réfugiés, firent en outre, pour un siècle, sa réputation et sa prospérité. Mais la Réforme calviniste n'était pas favorable à la déco- ration du livre en général, pas favorable en particulier à celle des livres saints. Elle n'aimait guère ces histoires qui don- naient alors à ceux-ci un si vif attrait. Elle ne tolérait que la reproduction de monuments et d'objets du culte judaïque. Dans une ordonnance du 15 février 1560, la seigneurie de Genève, parlant « de figures nouvelles ajoutées au texte de l'Escriture qui ne sont pas de grand profit et qui ne font qu'enrichir la besoigne, ordonne qu'il n'en sera donné nul privilège (2). » Sous l'influence de cet esprit puritain et de ces règles sévères, ceux qui devaient vivre de l'illustration des livres (ils'étaient d'ailleurs en très petit nombre à Genève) trou- vaient leurs occasions de travail singulièrement réduites, et il est naturel qu'un homme comme Eskrich ait cherché à Lyon, aussi souvent qu'il le pouvait, l'emploi de ses aptitudes. (1) Arrêts du Conseil de Genève sur le fait de l'imprimerie et de la librairie, 1898, p. 3. (2) Cette ordonnance, qu'on appelle aussi l'édit des imprimeurs, a été reproduite par E. H. Gaullieur dans ses Etudes sur la Typographie- genevoise du XV au XIX' siècle, 1855, p. 103.