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L'ÉCRIVAIN CLAUDE DU VERDIER 29 mûres, lui qui, toute sa vie, avait donné des preuves de sa maturité ! » Antoine du Verdier avait décoré le château de Valprivas de galeries ouvertes, de sirènes, de cariatides, de rinceaux et de devises allégoriques. C'est là , je le suppose, dans cette maison élégante, bâtie sur le bord d'un haut plateau, d'où le regard s'étend sur la vallée de la Loire et les montagnes du Velay, que Claude passa les meilleures années de son enfance. On peut conjecturer que son père l'envoya faire ses humanités au collège de Tournon qui attirait, de trente ou quarante lieues, les fils de la noblesse et de la bourgeoisie aisée; et dans ce cas il put y connaître Honoré d'Urfé, qu'attendait une destinée littéraire tout autrement écla- tante. Claude apporta du moins à l'étude une ardeur extraordinaire ; il acquit une érudition étendue, sinon très solide, et passa pour un prodige de précocité; à tel point qu'on demandait à l'écolier des vers pour en orner, suivant l'usage, les pages liminaires des livres, et que, à quinze ans, on imprimait déjà un sonnet en italien signé de son nom ( i ) . Ce qui est encore plus singulier, il publiait à seize ans tout un juste volume de vers latins écrits pendant les heures dérobées à ses récréations (2). Ces trop faciles succès lui donnèrent une suffisance pédantesque, et lui gâtèrent le jugement, qu'il n'avait pas déjà trop assuré. Son père, vrai gouffre de livres, et qui avait pour maxime que « de toutes choses y a satiété, fors que des lettres (3) », était un exemple vivant de ce que (1) Dans YArioste francoes de Jean de Boissières. Lyon, 1580. (2) Peripetasis, Paris, 1581. (3) Bibliothèque, Dédicace au roi.