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2^2 AU PAYS DES CHOTTS — Non, c'est le burnous que je veux. — Tiens, donne moi 80 francs et emporte les deux. — Je n'ai pas envie de tapis. — Tu es connaisseur, il te plaira. Et après une discussion encore bien plus longue coupée de nombreuses tasses de café, nous emporterons tapis, burnous et parfois même un troisième objet pour 30 ou 40 francs. Nous sommes contents, le marchand ne l'est pas moins, c'est dès lors un ami qui ne nous laissera plus passer sans nous offrir ses services et nous tendre la main. Au retour, le long des murs des mosquées, aux carre- fours, un peu partout nous croisons des Arabes qui gesti- culent, se frappent la poitrine, lèvent les bras au.ciel. Us déambulent lentement, la tête courbée, lançant à pleine voix des prières sonores, agitant d'énormes chapelets aux grains de bois. Nous somme en Rhà madan, le carême de trente jours prescrit par Mahomet, et la piété musulmane redouble, s'étale, sort des maisons pour envahir la rue. On sent que la foi de ce peuple s'infiltre en lui avec son sang, domine sa vie et la guide. Peut-être est-ce là le secret de sa force, de sa vitalité merveilleuse, au milieu des plus lamen- tables événements. Un peu de cette croyance sincère, dépouillée seulement de l'esprit sectaire qui la dépare, ne serait pas inutile dans notre Société trop souvent sceptique et indifférente ; elle y gagnerait en cohésion et en moralité virile. Au hasard nous allons par la ville, de ruelles en ruelles, nous égarant parfois, revenant sur nos pas à chaque instant sans nous en douter et toujours trouvant quelque détail intéressant. C'est un changeur en plein vent accroupi der- rière des piles de monnaie, une porte sculptée plaquant ses vives couleurs sur la blancheur d'un mur, un pont couvert