Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
              PROMENADE TRANSJORDANIENNE                225

tasses, mes cuillères, mes fourchettes, mes plats et mes
chaises. Au retour, plusieurs pièces manqueront à l'appel.
Je n'en devrai pas moins remercier de l'honneur qui m'a
été fait. On mande des vieillards de soixante ans.
   — Où as-tu fait le service militaire ?
   — Je n'ai pas servi ; j'étais indépendant.
   — Tu dois l'amende peur 40 ans de révolte.
   Le vieillard est incapable de payer. Il est battu et jeté
en prison.
   Le souper touche à sa fin. Je fais demander un bon
cheval, pour l'étape du lendemain. Un cheik se présente et
me fait dire par le curé :
   — T u auras demain mon cheval. Mais veuille transmettre
au gouvernement français le vœu des Bédouins. Nous
réclamons sa protection. Nous ne voulons plus être sous
la domination turque.
   Je déclare mon impuissance à remplir une pareille
mission. Le cheik persiste à dire :
   — La protection de la France, ou l'insurrection.
   A peine revenu en France, j'ai appris par des lettres de
Damas que les Druses refusaient de payer davantage. Le
sultan a envoyé contre eux vingt-cinq bataillons de l'armée
régulière. Toute la plaine du Hauran a été ensanglantée. Les
hommes ont été massacrés; les femmes violées, puis
éventrées ou vendues cinq francs par tête. Les Druses qui
ont pu gagner la montagne ont seuls échappé au désastre.
Un cordon de troupes les a cernés comme des loups dans
leurs repaires. Les mêmes, rigueurs ont sévi contre les
Bédouins. L'immense plaine est devenue un désert et un
cimetière : Ubi soliludinem faciunl, pacem appdlant.
   Les journaux d'Europe n'ont presque rien dit de ces
horribles boucheries. Le cri des victimes n'a pas retenti