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LE COURS DES LIVRES 39l Non, certes, le goût des livres n'est point perdu ; il se rencontre encore des amateurs éclairés, des bibliophiles instruits et lettrés. Leur nombre n'est point considérable, mais ils forment une petite phalange qui, par sa valeur intrinsèque, contre-balance largement le troupeau des moutons de Panurge. L. G. Une troisième vente Ashburnam vient d'avoir lieu à Londres. Comme les précédentes, elle contenait des incuna- bles extraordinaires, des livres hors ligne, tels que les bibliothèques royales et les musées en possèdent seuls. Un de nos grands libraires de Paris s'est rendu en Angleterre pour suivre les vacations. L'autre jour, j'en causais avec lui : « Vous avez acheté ? — Certainement. — Et qu'avez- vous rapporté ? — Rien du tout. Il n'y a plus en France d'amateurs pour ces livres-là . Heureusement j'ai des clients au dehors. » Le libraire, que tous les bibliophiles ont déjà reconnu, poursuivit : « Voyez plutôt cette merveille. Et il me montra un manuscrit du xve siècle en deux énormes volumes. — duels volumes ! chacun représente la charge d'un homme solide. Le texte n'est'autre que le Dècaméron de Boccace. La reliure de l'époque, massive porte des emblèmes et des inscriptions bizarres. En tête de chacune des dix journées, se trouvent de précieuses enluminures, rehaussées d'armoi- ries. 11 y a là un effort extrêmement curieux d'artistes qui, d'habitude ne s'exerçaient que sur des sujets d'un ordre très différent. « C'est une merveille n'est-ce pas ? continua le libraire, je suis convaincu qu'il ne se présentera pas d'acquéreur français pour cette œuvre presque unique en