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AU PAYS DES CHOTTS 293 percé d'une étroite ouverture grillée, le minaret de la grande mosquée, octogonal, fusant très haut son toit rond recouvert de tuiles vertes. Chemin faisant, nous avons rencontré un employé de Babouchi, flânant à l'ombre avec sa chéchia fanée, sa culotte bouffante rougeâtre, son caftan marron brodé de bleu ; il ne veut plus nous quitter. Avec lui il faut aller au Dar-el-Bej, au palais du Bey. Rien de plus bizarre, de plus contradictoire. Un ravissant patio couvert entouré de colon- nettes peinte, dallé de marbre, d'une élégance indescrip- tible, donne accès à une série de chambres tristes et sombres. Un fauteuil boiteux au velours passé se lamente en face d'une toilette fêlée, à côté d'une console d'acajou toute humiliée de supporter des fleurs artificielles précieu- sement recouvertes d'un globe. Un lit disjoint, tout recro- quevillé par l'humidité du mur qui l'avoisine, dissimule sa honte sous des rideaux lamentables comme une pauvresse son corps misérable sous des haillons. Et souvent "planant sur toutes ces misères, protégeant ce bric-à -brac de faubourg, le plafond est une merveille, un fouillis inimaginable de fleurs, de rosaces, d'arabesques, de lettres du Coran, enla- cées, enchevêtrées avec une perfection rare. Une salle longue, en partie ouverte comme une vérandah et protégée seulem ent du vent et de la poussière par des vitrages communs; c'est la salle du Trône. Des tentures rouges, des stores écrus, des lignes de chaises garnies de soie jaune à grosses fleurs et, dans une encognure, deux hauts fauteuils se faisaient face. L'un, tout doré, dressé sur une petite estrade, c'est le trône ; l'autre, un peu plus simple, est à l'usage du Résident de France pendant ses entrevues solennelles avec le Bey. Notre guide volontaire nous explique tout cela longue-