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AU PAYS DES CH0TTS 291
— Regarde, tout le magasin est à toi. Veux-tu cette gan-
doura brodée, ce haïk, cette tenture ajourée ?
Et elle est admirable la bonne volonté avec laquelle,
sans se lasser, il étale ses merveilles, fouille dans ses plus
hauts rayons. Les marchandises jonchent les tables, couvrent
le sol; sur un signe, avec son même sourire tranquille, il a
de nouvelles offres à faire, jamais agacé des refus. Le temps
ne compte pas pour lui.
— Combien ce burnous ?
— Oh ! celui-là , il est de laine fine, tu as bon goût,
touche comme c'est doux. Et les galons! de la belle soie.
Oh ! tu es un connaisseur.
— Combien veux-tu me le vendre?
— Pour toi je ferai une exception, parce que tu connais
les belles choses.
— Combien ?
— Donne-moi 6o francs et il est à toi. J'y perds, mais
je veux te faire plaisir.
— Trop cher, tu veux me voler.
— Oh ! tu ne me connais pas. Je ne suis pas comme »
tant d'autres, je dis toujours le prix juste.
— Eh bien tant pis, je ne peux pas te donner ce prix,
nous verrons une autre fois.
— Tu pars déjà . Avant tu boiras bien un peu de café.
Abdalah, Ibrahim, du café !
Et pendant qu'on déguste le fin moka servi dans de
minuscules tasses avec le marc :
— Ah ! si tu voulais ce burnous je te le donnerais à bien
meilleur compte; mais tu as choisi le plus beau. Enfin, que
m'en donnes-tu ?
— 25 francs et c'est déjà trop payé.
— 25 francs!... il m'en coûte le double... Mohamed
montre ce tapis brodé... Vois comme l'or est fin.