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LE BOTTIER DE SAINT-GEORGES 179
Un- beau jour que Chignol devant moi travailla,
— Je suis, tu le sais bien, un patron fort sévère, —
Je le guignai de l'Å“il en soupesant mon verre
Plein du Brindas clairet de mon vieux mastroquet,
Il découpa si bien le cuir sous son tranchet,
Dans la pointure il mit tant de grâce et de charme,
Que j'ai senti filer, ici, deux grosses larmes.
Je les voulais, corbleu, renfoncer, mais en vain,
Et j'ai pour une fois mis de l'eau dans mon vin.
AMANDA
J'estime comme toi Guignol, mon petit père,
Je le plains, et j'ai fait de mon mieux, je l'espère
Pour lui faire oublier à force de bonté,
Son chagrin, sa misère et son infirmité,
Qu'avec tant de douceur le pauvre être supporte,
Depuis le jour d'hiver, où devant notre porte,
En mendiant son pain le pauvret s'arrêta. ;
Mais pourrais-je l'aimer?
GNAFRON . . ,
Patati, patata.
Si tu n'as là dessus rien autre de plus grave,
Zut... faut en rester là . Je m'en vas à la cave
Remplir pour ce grand jour de nombreux pots poudreux.
AMANDA
Si j'allais... l'escalier est glissant, dangereux,
Le colidor obscur... puis je serai plus prompte.
GNAFRON
Bah ! je n'y vois peu clair que lorsque je remonte.
J'aime mieux y aller. Vois-tu le grand plaisir, ; ; . . , . . !
Avant de boire un pot, c'est d'aller le choisir.
(Il sort à gauche.)