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                      . HENRI BOISSARD                      235

ne se déroba ni à son devoir ni à sa conscience et n'entendit
se décharger sur personne du poids de sa responsabilité.
Ses conclusions d'audience furent ce qu'elles étaient tou-
jours, claires et précises; mais il les développa avec un
calme si froid que la louange se tut d'elle-même; elle eût
craint de froisser la pudeur de son âme. Quelques jours
aprèsi pour son don d'avènement, M. Grévy le révoqua.
    Cet honneur, partagé avec huit de ses collègues, il
l'attendait et pourtant il en souffrit. Il n'eût pas été homme
s'il ne s'en était ému. C'était, il le pressentait facilement,
la fin de sa vie judiciaire, la rupture définitive des traditions
héréditaires. Il aimait d'ailleurs sinon la lutte, du moins
l'action. Où la retrouver désormais ? L'hermine tombée de
ses épaules, son premier mouvement fut de reprendre à
Aix sa robe du dessous, suivant le terme consacré, et de
reparaître comme avocat à la barre qu'il connaissait si bien.
Est-il besoin d'ajouter qu'il y eut des succès ? Le plus
grand, non par les résultats, mais par l'ampleur de la cause
et la dignité de son client, celui qu'il estimait à juste titre'
le meilleur, il le remporta devant la Cour de Paris, le
24 novembre 1891 dans la défense de Mgr Gouthe-Soulard,
archevêque d'Aix. Ce fut aussi presque le couronnement
de sa carrière oratoire. Il y indiqua d'avance la voie dans
laquelle il allait absolument s'engager pour le reste de ses
jours.
   Quoique respectueuse de la foi chrétienne, sa jeunesse
n'en avait pas connu les ardeurs. Elle portait, à son insu,
l'empreinte du milieu et du temps. Un éloge prononcé en
1859, par le jeune avocat stagiaire, l'éloge d'Antoine
Arnauld, l'adversaire des jésuites dans leur fameux procès
contre l'Université en 1593, en fournirait au besoin la
preuve. Toutefois jamais Boissard ne s'était résigné à laisser