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PROMENADE TRANSJORDANIENNE 219 Au déclin du jour le paysage change. De profonds ravins impriment à la piste de nombreux zigzags, et j'aperçois çà et là de grands troupeaux de.chèvres, aux oreilles pendantes, de moutons à large queue, de vaches noires, tachées de raies blanches. Est-ce le dernier sommet ? Mon cheval, qui a pressé le pas, pour échapper à un taureau furieux et mugissant, s'arrête à bout de forces. Une plaine immense, ondulée, couverte de blé vert et de pâturages, s'allonge devant moi sans fin jusqu'à l'horizon déjà sombre où le ciel se confond avec les terres éloignées. Des caravanes de 6o à 100 chameaux meuvent lentement, là -bas, leur ligne grise, qui semble glisser sur un tapis. Les ondulations du vent creusent des vagues rapides sur l'océan des épis incli- nés; les habitations ressemblent à des noisettes mûres sur ce fond de verdure incomparable. Où suis-je ? Moukre, sergent, guide, tout a disparu. J'appelle. Rien ne répond, si ce n'est la voix d'un pasteur qui rallie son troupeau. Je hèle les bergers. Ils fuient. Je scrute l'horizon d'un regard inquiet, et, au loin, sur un monticule embrumé, j'aperçois la cavale de Leftallah dessi- nant son profil sur les nuages. Mes guides, ignorant le chemin, me laissaient la respon- sabilité de la direction et se tenaient à l'écart pour éviter mes questions. D'instinct j'ai suivi la bonne voie. Mais quelles angoisses m'ont agité ! Au moindre péril je serais demeuré seul, sans appui et sans défense ? Nous sommes à Irbid, Arbelle ; le site est beau et c'est tout. Un soldat, qui baigne sa jument dans une mare m'indique le sentier d'Hossum. Nous chevauchons depuis treize heures. Ce chiffre ne te dit rien, lecteur. Mais au cavalier que de fatigues il rappelle ! que de tribulations et de cuisants souvenirs ! Encore un pli de terrain et je