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HENRI BOISSARD 233 demander aux jours d'autrefois des souvenirs qui ne s'effacent pas, afin de fixer une image dont la délicatesse égale la limpidité. Lorsqu'il prit, en 1859, presque imberbe encore, la robe de substitut, comme elle semblait faite peur ses épaules, et comme on devinait en lui l'héritier d'une vieille et noble lignée judiciaire, scrupuleuse gardienne des meil- leures traditions du Palais ! Je revois encore son front large et tranquille, son fin profil, sa pâleur transparente que le bleu des veines nuançait par endroits sans la colorer, ses yeux insinuants, tour à tour pensifs et chercheurs, son sourire plein d'une grâce qui semblait l'excuse de sa fermeté et rendait presque agréable jusqu'au reproche, jusqu'au refus. Sa distinction n'était pas seulement extérieure. Elle se trahissait dans son jugement précoce, dans le tact et la nette correction de sa parole. A défaut d'une grande puis- sance physique, il avait les dons oratoires que rien ne remplace chez un magistrat et qui sont sa véritable éloquence, la dignité sans apprêt, l'élévation sans emphase, l'accent honnête et toujours juste, qui devient au besoin véhément sous la chaleur d'une émotion vive. Joignez-y la règle, la mesure, la prudence avisée et discrète, le coup d'œil prompt, le sens droit des affaires et vous aurez le type du complet officier du ministère public. Ces rares qualités l'enlevèrent trop vite au ressort de sa ville, j'allais dire de sa Cour natale. La Provence l'arracha pour longtemps à la Bourgogne et le retint par des liens si étroits, si multipliés, qu'il devait un jour y retourner de son plein gré pour y mourir. Plus à l'aise sur le grave et vaste théâtre de la Cour d'Aix, parce qu'il y voyait de plus haut et de plus loin, comme il le-fut ensuite à celle de Lyon, il se développa tout entier, Si neuve, si inconnue même