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234 NÉCROLOGIE qu'elle apparût, nulle question ne le prenait au dépourvu, ne déconcertait son courage ni son labeur. Petites ou grandes, les affaires étaient également bien dans sa voix. Il faut que l'avocat général sache vivre à la fois sur les sommets et dans la plaine. Et du sommet où il prend l'air du ciel, il importe que son regard s'abaisse pour veiller au grain qui lève dans le vallon. On put admirer la variété féconde de ses aptitudes lorsque, échangeant les brillantes fonctions de l'audience contre le travail silencieux et trop souvent ingrat du cabinet, il fut, en 1873, nommé pro- cureur de la République à Lyon. C'était à ses yeux moins un avancement mérité .qu'un sacrifice de ses goûts; il mit tant de bonne grâce à l'accomplir qu'on aurait pu croire à un calcul ambitieux. Là il réussit comme ailleurs. On dit que la maladresse est en ce monde un péché capital, le seul que la fortune ne pardonne pas. Il n'eut pas besoin d'absolution, car, si difficiles que fussent les circonstances, ce prétendu péché, il ne le commit jamais. Boissard touchait à la quarantaine quand ses loyaux services furent récompensés par le poste de chef de parquet de la Cour de Dijon. On ignorait encore les promotions hâtives, les scandaleuses violences faites à la hiérarchie. Il était l'un des plus jeunes procureurs généraux de France. Mais jl avait atteint déjà la pleine maturité de son talent. Une seule chose lui manquait : l'occasion de montrer son indépendance. Le procès intenté par les frères de Caluire à M. Challemel-Lacour à la suite du pillage de leur maison en 1870, et déféré à la Cour de Dijon, la lui fournit. On se souvient des passions qui s'agitèrent autour de cette cause restée célèbre. Les pêcheurs en eau trouble considè- rent comme leurs ennemis les"gens qui cherchent à assainir les marais. Insensible à leurs menaces, le procureur général