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PROMENADE TRANSJORDANIENNE 221 Le curé vit à la manière arabe. Il s'excuse de ne pas mieux me recevoir et me demande la permission de quitter ses babouches. Il s'accroupit sur ses talons et, l'orteil entre le pouce et l'index, il me dit : — On est vraiment mieux comme cela que sur une chaise. Tout n'est pas mauvais chez les Orientaux. Je mange la galette à l'anis, cuite sur la cendre. On trouve ici du lait, du beurre, du fromage, du maïs, du froment, des olives, des dattes, des figues, des amandes, des œufs et de la viande. La terre donne tout ce qu'on veut. Mais on ne peut écouler les produits. Il faut consommer sur place. Un sac de blé exige treize journées de chameaux pour être transporté à Beyrouth ou à Caïpha. Il faut renoncer aux échanges. Aussi les animaux se nourrissent de froment en herbe. Il y en a pour les gens et les bêtes. — Le pays offre-t-il un peu de sécurité ? Le curé hoche la tête et répond : Je suis étonné de vous voir. Comment avez-vous osé vous aventurer ainsi? Vous ignorez donc les récents pillages, les massacres, les incendies et l'effervescence de toute la contrée ? Vous auriez pu rester en chemin. Dieu vous a protégé. — Pourrai-je aller demain jusqu'à Mzeïrib et remonter ensuite à Damas ! — Non, si vous étiez seul. N'avez-vous pas remarqué le mouvement dont votre arrivée a donné le signal? Demain, ce serait autre chose. Mais vous êtes mon hôte ce soir. Bientôt toute la tribu le saura. Or je suis l'ami du cheik des Bédouins, qui sera désormais votre protecteur. Si vous pouviez rester quelques jours, nous irions sous la tente. On tuerait le veau gras en votre honneur et nous ferions ripaille de midi à neuf heures du soir. Vous auriez à préparer vos compliments. Je vous défie d'avoir une langue