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222            PROMENADE TRANSJORDANIENNE

aussi riche que celle des Bédouins en tournures flatteuses,
en mots agréables, en comparaisons brillantes ou naïves.
Quand je vais les visiter, les salutations durent trois heures.
Louis XIV, en tout son règne, n'a pas reçu autant de
compliments que moi en un jour sous la tente. Ici, c'est
toujours la terre de Nabuchodonosor et d'Assuérus. Les
palais sont détruits; l'esprit demeure.
  — Votre vie est-elle en sûreté ?
   — J'ai seize ans de séjour. Si quelqu'un s'avisait de me
molester, je n'aunis qu'à faire signe au cheik. Dix mille
Bédouins en deux jours viendraient camper autour de ma
maison, prêts à faire le coup de feu. Il faudrait me recon-
naître en cadeaux. Tout ce que je possède y passerait. Le
Bédouin est grand admirateur des œuvres de Dieu et des
Å“uvres de l'homme. Or le savoir vivre exige qu'on
abandonne au visiteur tout objet loué et admiré.
   Bédouins et Druses ont jusqu'ici vécu indépendants,
exempts d'impôts. Les tentatives faites pour les soumettre
avaient toujours échoué. Il y a un an, les agents du gouver-
nement turc sont venus et ont promis de nombreux avan-
tages si les habitants acceptaient Vantail et consentaient à
payer un léger tribut. Les indigènes ont fini par céder.
Combien ils le regrettent!
   La première fois, on a payé sans difficultés. Bientôt les
agents du fisc ont reparu :
   — Nous avons soldé, disent les Druses.
   — Il s'agit d'un nouvel impôt que vous devez.
   Six perceptions successives ont été faites en douze
lunes. Les avantages promis sont restés lettre morte. Nos
gens ont hypothéqué les récoltes de trois années. Ils sont
ruinés, irrités, résolus à la révolte. Aujourd'hui même le
 Kaimakan a passé, et on a réquisitionné pour sa smala mes