page suivante »
D'UN VIEUX GROGNARD 433 Quand le groupe se fut éloigné, Jeanne se mit à rire. — Eh bien ! dit-elle, voilà du moins un médecin et des façons de guérir qu'on ne trouve pas partout, et la chose valait vraiment les fatigues de l'excursion. D'ailleurs, je me sens infiniment mieux. Est-ce l'effet de la vue du sorcier, ou simplement celui de l'air pur et balsamique qu'on res- pire ici ? Mme Durand semblait partagée dans ses sentiments. L'air d'assurance du Grand-Pâtre l'avait frappée ; elle avait bien vu, dans tous les cas, que ce n'était pas là un empirique vulgaire et qu'on ne pouvait pas plus douter de sa bonne foi que de son désintéressement. Mais fallait-il avoir une foi aveugle à ses conseils ? Je rassurai M™ Durand en lui faisant observer que mon savant précepteur allait être appelé à contrôler les prescriptions du Grand-Pâtre. La mère et la fille étant très fatiguées de la longue course que nous avions faite, je les conduisis jusqu'à la lisière du bois des Chambons où elles purent se reposer à l'ombre, à portée du guide qui gardait les chevaux dans la prairie, tandis qu'après avoir examiné les simples du sorcier, j'étais obligé de m'écarter à une certaine distance pour en recueillir une provision suffisante. La plupart étaient de ceux que j'avais entendu cent fois préconiser à l'abbé Velay, et en première ligne : l'arnica, ce beau chrysanthème des hautes cimes; une pulmonaire à fleur bleue qui ne se trouve, dit-on, qu'au Tanargue et au Mézenc ; une achillée-millefeuille, au corymbe d'argent, qui serait spéciale à notre région; la surelle ou trèfle jaune, qui devient une vraie sensitive en temps d'orage. Dans le ravin de la Cocoluda, je ramassai des digitales à grandesfleurset des reines des prés. Je fis enfin dans la forêt des Chambons une abondante récolte de lichens bruns, verts ou blan- N° >. — Juin 1886, 28