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3S°                  LE PREMIER AMOUR

   Nous la fîmes asseoir doucement sur le gazon.
   — Ma pauvre enfant, dit Mme Durand, j'ai eu grand tort
de te mener hier à la fête. Tu sais combien le calme t'a été
recommandé en toute chose.
   Je m'excusai aussitôt du mal involontaire dont j'étais
cause en demandant pardon à la mère et à la fille. Mais
celle-ci avait déjà recouvré son sang-froid.
   — Monsieur, dit-elle, vous n'avez pas besoin d'excuses
et vous êtes tout pardonné.
   Elle me tendit sa main mignonne que je baisai avec res-
pect.
   Tout cela serait peut-être extraordinaire aujourd'hui,
parce que les moeurs, moins pures au fond, veulent le pa-
raître davantage extérieurement. Mais l'enfant — on pour-
rait dire les deux enfants — agissaient avec une si parfaite
innocence, une si profonde ignorance des usages du monde,
que Mme Durand elle-même n'y trouva rien à redire. Il est
vrai que l'état de sa fille ne lui laissait guère le loisir
d'avoir d'autres préoccupations.
   — Ma mère, continua Jeanne, ne vous effrayez pas.
Vous savez que cela ne dure le plus souvent que quelques
heures, et j'espère être guérie demain — Il me semble que
je suis déjà mieux.
   Je courus à la source Marie, d'où je rapportai un verre
d'eau fraîche et pétillante que la malade but avec plaisir.
   Peu après, elle se sentit la force de marcher et, appuyée
sur mon bras et sur celui de sa mère, elle put rentrer à la
maison. Mme Durand me pria d'aller chercher le médecin,
je m'empressai de satisfaire à son désir. Quand je revins, la
bonne dame me fit comprendre que ma présence pourrait
fatiguer sa fille et qu'elle allait être obligée de fermer sa
porte atout le monde pendant qselques jours : « J'espère,