page suivante »
466 LES HISTOIRES DE PUITSPELU gaient à belles lampées. Ce n'est qu'au bout de quinze ans, alors que Mariette est mourante dans un taudis misé- rable, qu'Etienne dépose sur ses paupières fermées son pre- mier baiser d'amour. Avouez qu'il y a là un mélange d'héroïsme et de can- deur dont on serait presque tenté de sourire, si l'auteur ne sauvait ses personnages du ridicule par la vérité qu'il apporte à nous dépeindre la profondeur de leur passion et la pureté vraiment touchante de leurs ardeurs. Une autre réflexion nous vient. CesLéandres timorés et scrupuleux ne seraient-ils pas plutôt des raffinés de l'amour ? Puitspelu est, par nature, un malin en dedans ; qui sait s'il n'a pas réservé le meilleur lot à ses héros, en les gardant de ce dernier acte, qui n'est souvent qu'un dénouement assez bas, en les préservant de recueil de la possession qui coupe l'aile à tant de rêves ! Dans un de ses beaux romans, première manière, Une page d'amour, Zola nous représente deux amants passionnés, le lendemain du jour où ils s'abandonnèrent : — Jamais ils ne s'étaient moins aimés ! Il y a quelque chose de profondément humain et d'un peu décourageant dans cette réflexion trop souvent vraie. Puitspelu n'a pas voulu que ses amis fussent exposés à ces rancoeurs et il nous les montre, jusqu'au bout, planant dans les nuages où résident le bonheur sans ombre et l'amour sans chute. C'est d'une sollicitude avisée et d'une philosophie pru- dente. Qui oserait l'en blâmer ?