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                    D'UN VIEUX GROGNARD                     263

  livre de votre jeunesse contient autre chose que des his-
  toires militaires? N'y a-t-il pas une page — s'il n'y en a
 pas plusieurs— où le cœur a joué un grand rôle, quelque,
 intime souvenir, douce ou triste aventure, qui cause votre
 émotion?
    — Trêve sur ce sujet! répliqua mon oncle d'un air mé-
 content. Cela peut être, mais les aventures de notre temps,
 en amour comme en guerre, sont si dissemblables de celles
 d'aujourd'hui ; elles ont un caractère si peu en harmonie
 avec les mœurs et les idées nouvelles ; mon premier, mon
 unique amour de jeunesse, est d'une nature tellement
idéale, et en quelque sorte mystique, que je craindrais de
le profaner en le racontant.
    Je n'insistai pas ce jour-là, mais ces paroles avaient natu-
rellement redoublé ma curiosité. Quelque temps après,
saisissant l'occasion d'un jour d'humeur plus expansive, je
suppliai mon grand-oncle de me faire ses confidences de
l'ancien temps. Il résista bien un peu, mais, comme il
savait la conformité de nos sentiments, comme il m'avait
vu cent fois admirer avec lui Virgile, Bernardin de Saint-
Pierre et Nodier, il finit par se laisser convaincre et déploya
toute grande ouverte devant moi la première période de sa
longue carrière.

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  Il y a plus de soixante ans de cela, dit-il. (Mon.oncle
était presque octogénaire.) J'entrais dans ma dix-huitième
année. J'étais grand, fort, mais assez timide, et encore plus
naïf, ayant passé mon temps dans la maison paternelle,
entre mon père, l'abbé Velay, mon précepteur et une
vieille domestique. Mon père avait des goûts à la fois litté-