page suivante »
D'UN VIEUX GROGNARD 427 et venir mettre mon épée aux pieds de Jeanne commença dès lors à germer dans mon esprit. En revenant du Puy, je rencontrai, un peu avant d'arri- ver à Vais, un chasseur dont la tournure me rappela aussitôt celui qui m'avait si singulièrement interpellé sur la route d'Antraigues. Il me reconnut de son côté, car il me salua d'un air d'amicale ironie par ces mots : — Eh bien! jeune homme, êtes-vous toujours aussi heureux? — Voulez-vous me permettre, Monsieur le chasseur, lui répondis-je, de vous rappeler un vers du vieux poète grec Euripide, qui signifie ceci : Personne ne peut dire, avant sa fin, qu'il a été heureux ? — Oh! oh! jeune homme, cette diversion littéraire est significative. N'y a-t-il pas aussi dans les vieux poètes de Rome ou d'Athènes un adage répondant au nôtre : Cher- chez la femme ? — Je vous salue, Monsieur, lui répliquai-je en piquant mon cheval, je vais à Vais. — Bonne chance, me cria-t-il. Moi je vais sur le Ta- nargue. Si vous venez de ce côté, vous me demanderez à la ferme de la Cocoluda. C'est l'époque où nous nous ren- controns chaque année avec le Grand-Pâtre, et son silence et ses herbes me reposent heureusement des bavardages et des ragoûts du bas pays. # * * Dès mon arrivée à Vais, je me présentai chez Mme Du- rand, et j'eus la satisfaction d'apprendre que Jeanne n'avait pas eu de nouvelle crise. Néanmoins, elle était encore fort