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LES MALINS DU GOURGUILLON 365 d'un nombre assez restreint de pièces, une vingtaine, au plus. Ces pièces se jouent quotidiennement, et bien qu'il revoie toujours les mêmes, le public ne se lasse jamais d'y rire. Or, ce répertoire nouveau est presque tout entier l'œuvre d'un de nos compatriotes, homme d'infiniment d'esprit et fort artiste, qui occupe une importante situation commerciale. Une abondance comique inépuisable, de ce comique bonhomme, simple, qui semble s'ignorer lui-même, si particulier à notre ville ; un esprit très vif de la « tradition », font de ces pièces des spécimens achevés de notre littérature locale. L'intrigue est toujours ce quelle doit être, absolument simple. La moindre complication ôterait le caractère populaire et naïf. La vertu est toujours récompensée. C'est d'ailleurs une des condi- tions du succès. Le populaire a un sentiment net du moral, chez nous du moins. Je crains fort que les ignobles cafés chantants, les romans obscènes et socialistes ne soient en train de changer tout cela. Telle est la modestie de notre auteur, que nul de ceux qui ont si souvent fait partir plus d'un bouton de leur culotte à force de rire à l'audition de ses personnages n'a jamais su son nom, jus- qu'au jour, il y a quelques années, où on lui arracha la publica- tion d'une pièce célèbre entre toutes, les Tribulations de Duro- quet. En disant.que nous lui avons arraché les Malins du Gourguillon, nous ne serions pas tout à fait exact, car cet auteur singulier a un tel désintéressement de son œuvre, qu'il n'a pas conservé le manuscrit d'une seule de ses pièces. Il a fallu aller quêter auprès des acteurs la copie que ceux-ci avaient faite jadis. Faut-il ajouter que nous n'avons obtenu l'autorisation de publier l'ouvrage qu'à la condition de n'en pas désigner l'auteur, au- trement que sous le cognomen qu'aux « termes des statuts (!) », il a dû prendre en entrant à l'aime et inclyte Académie du Gourguillon, où sa place était si bien marquée ?