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360                  SOUVENIRS LYONNAIS

sait combien fut longue et acharnée cette guerre de séces-
sion.Charles, malgré sa témérité remarquable et remarquée,
monta, sans recevoir la moindre égratignure, jusqu'au grade
de colonel. Dans un des derniers combats, combat acharné
et meurtrier, après de nouvelles et plus grandes preuves de
valeur, Charles Legendre fut nommé général sur le champ
de bataille.
   A la fin de la journée, au moment où l'on était vainqueur
sur toute la ligne, où le combat allait cesser, retentit un
dernier coup de canon ennemi, qui renverse notre nouveau
général; un éclat de métal lui emporte le nez, d'autres lui
fracassent les membres; il reste comme mort sur ce champ
de bataille qu'il vient d'illustrer par sa bravoure. Dans la
nuit, des paysans qui viennent rôder sur ce terrain, encore
rouge de sang, emportent Charles et le recueillent dans leur
agreste demeure. Il y a aussi du cœur chez les Yankees; notre
ami est soigné là avec dévouement et bonheur; il est sauvé ;
il se remet lentement, mais il se remet. Sans nez, la tête
fendue et un bras en écharpe, Charles Legendre est mécon-
naissable. Aussi, lorsqu'après de longs mois, il peut enfin
revenir chez lui, sa brusque apparition cause une stupeur,
presque une épouvante générale ; on le croyait si bien mort
et depuis longtemps, qu'on portait religieusement son deuil.
Ce fut là un coup trop rude pour sa pauvre femme, sa rai-
son n'y put résister; au lieu du bonheur que Charles espé-
rait tant lui apporter, il ne lui apporta, hélas! que le délire
et la folie.
   L'état de folie bien constaté, l'infortunée jeune mère fut
transférée dans un établissement d'aliénés ; les deux méde-
cins de la famille exigèrent formellement du père et de la
grand'mère, qu'ils s'abstinssent de conduire jamais les en-