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               DE L'ENFANT PRODIGUE                       55

Et le frère en conçut un mortel déplaisir,
Et resta sur le seuil sans vouloir le franchir,
Tant son orgueil froissé le rendait intraitable,
Si bien qm le vieillard, étant sorti de table,
Dans la salle avec lui le voulut emmener :

« Qu'as-tu ? pourquoi nous fuir? et pourquoi t'obstiner ? »

Mais le fils, mécontent, dit au vieillard :
                                            « Mon père,
Je fus toujoursfidèleau toit héréditaire.
A vos ordres toujours vous me vîtes soumis,
Et, cependant, jamais, pour fêter mes amis,
Quand ce présent meut fait un plaisir véritable,
Vous n'avez d'un chevreau dégarni votre étable,
Tandis que celui-là, qui, sans ménager rien,
En de honteux plaisirs a dévoré son bien,
Dès qu'il revient au gîte, on le fête, on le choie,
On tue en son honneur le veau gras ! Cette joie... »

Le vieillard l'interrompt :
                            « En êtes-vous surpris ?
 Vous vivez avec moi, vous, l'aîné de mes fils.
Ai-je donc rien ci moi qui ne soit à vous-même?
Je vous sais dévoué, c'est pourquoi je vous aime.
Mais, lorsque votre frère absent revient ici,
Mon fils, ne dois-je pas m'en réjouir aussi ?
Et vous, si la douceur d'aimer vous est connue,
Il vous faut avec moi fêter sa bienvenue,
Car mon fils était mort, et mon fils m'est rendu.
J'ai retrouvé celui que nous avions perdu. »

      30 juin 1883.
                                 J.-Et.   BEAUVERIE.