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                    D'UN VIEUX GROGNARD                    345


                             * *

    Ma danseuse, qui s'appelait Jeanne Durand, habitait
 avec sa mère une maisonnette isolée sur les bords de la
 Volane, habitation de paysan que le propriétaire leur cédait
 chaque saison pour aller occuper lui-même une grange
voisine.
    Je reconduisis la mère et la fille jusqu'à leur porte. Leur
ayant dit mon nom, elles firent un mouvement de surprise
 et j'appris alors qu'elles étaient du village où l'abbé Velay
avait été nommé curé. Elles me firent l'éloge de ce digne
ecclésiastique dont elles avaient pu déjà apprécier le mérite
et je vis clairement que le fait d'avoir été son élève n'était
pas une mince recommandation auprès d'elles. Aussi, quand
je demandai à Mme Durand l'autorisation de venir le lende-
main lui présenter mes hommages, avant mon départ pour
la montagne, cette dame, sans hésiter cette fois, accueillit
ma demande d'une façon fort aimable.
    Je m'en allai, le cœur tout agité de sentiments assez
vagues, mais dans lesquels revenaient sans cesse l'image,
les regards bleus et la voix mélodieuse de la jeune fille.
C'était un genre de sensations inconnues jusque-là pour
moi et comme un monde nouveau où je venais d'entrer.
    Tu comprends, neveu, qu'en situation pareille, et d'ail-
leurs la soirée étant admirablement belle, je n'étais guère
d'humeur à m'enfermer dans une chambre d'auberge. Je
m'en allai donc, avec mes rêves, sur la route d'Antraigues
qui côtoie la Volane, bercé en quelque sorte par la magie
de la nuit et les incidents de la journée. La lune donnait en
plein dans l'étroite vallée, faisant miroiter les eaux de la