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D'UN VIEUX GROGNARD 425 — Au revoir, Monsieur! dit doucement la jeune fille, sans doute pour tempérer l'adieu maternel. Jeanne, voulant m'accompagner, s'était levée de son fauteuil et avait pris le bras de sa mère. Tout à coup elle fit un mouvement de joie. — Ma mère! s'écria-t-elle. Attendez! C'est comme un voile qui me tombe des yeux. Je vous vois tous deux. Je suis guérie. — Ah! chère enfant! dit Mme Durand en embrassant sa fille avec effusion. Je félicitai Jeanne à mon tour, mais elle avait déjà pu lire dans mes regards la part que je prenais à ce retour inespéré de santé. — Comme cela, lui dis-je en riant, vous verrez bien par vous-même que votre cavalier d'avant-hier n'avait pas oublié son aimable danseuse. Elle me tendit encore une fois la main, mais sur un froncement de sourcils de sa mère, elle la retira aussitôt, toute confuse de ce mouvement spontané, puis me disant assez brusquement adieu, rentra dans la maison où sa mère, après un dernier salut, se hâta de la rejoindre. Deux heures plus tard, je partais pour mon excursion d'Auvergne. La maisonnette qu'habitait Mme Durand se trouvait sur mon passage. La fenêtre du salon était fermée, mais il me sembla voir un des rideaux s'écarter légèrement. Je crus voir aussi — et je le vis au moins dans mon ima- gination — une main mignonne faisant un signe d'adieu. Je répondis à tout hasard par un magnifique salut et je mis mon cheval au galop pour m'empêcher de réfléchir sur les chances d'avenir que pouvait comporter cette aventure amoureuse.