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426 LE PREMIER AMOUR * * * Je passerai brièvement sur les détails de mon voyage en Auvergne. Je montais une vigoureuse bête et je ne mis que deux jours pour aller au Puy en Velay. L'Auvergne était la terre de prédilection de mes rêves juvéniles. Un jour, du sommet du Mézenc, mon précep- teur m'avait montré l'immense plateau où se dressent tant de pics et de dômes superbes, et que sillonnent de riches vallées. D'autre part, il m'avait si souvent parlé de l'ancien royaume des Auvergnats et de Vercingétorix, le dernier défenseur de l'indépendance gauloise, que je m'étais épris pour la région et le personnage d'une véritable passion. Je me figurais l'Auvergne comme un fragment momifié des civilisations anciennes et je ne désespérais pas d'y rencon- trer quelque chef gaulois avec les armes et le costume indigènes. Ma curiosité était encore excitée par la décou- verte qu'on venait de faire, en Auvergne comme en Viva- rais, de nombreux volcans éteints. Quelques jours plus tôt, l'idée seule de ce voyage me rendait heureux; à présent, je le réalisais avec une sorte d'indifférence; les yeux de ma pensée regardaient ailleurs et, au moment même où je sor- tais de Vais, je n'avais qu'un désir, celui d'y revenir au plus vite. Le seul incident de mon voyage en Auvergne fut un enrôlement de volontaires (nous étions en 1792), auquel j'assistai dans la ville du Puy. Ce spectacle m'impressionna profondément, éveilla en moi le sentiment patriotique, et l'idée de m'enrôle r à mon tour pour gagner les épaulettes